Je bandai chacun de mes muscles et frappai de toutes mes forces, concentré. J’avais comme un trop plein d’énergie que j’étais incapable d’évacuer. Une partie en solitaire de base-ball avait été mon dernier recours - et pour l’instant ça marchait plutôt bien.
Plutôt, seulement.
Depuis cette sortie shopping complètement digne de la Cinquième Dimension, j’étais tendu. J’avais l’horrible impression que ma tête surchauffait à force de réfléchir encore et encore. Je n’arrivais pas à me défaire de la sensation de Klaus et de son corps de mannequin juste derrière le mien. Trop près.
Déconcentré, je me reçus la seizième balle sur l’épaule. Avec un grognement, j’encaissai la douleur somme toute assez minime et secouai la tête. J’étais là pour me vider l’esprit pas pour penser un peu plus à l’Allemand. La dix-septième balle blanche fut propulsée au-delà des limites du terrain devant moi. J’eus un petit sourire à moitié satisfait.
Je n’avais pas osé le recontacter après ça, jouant à l’évanoui complet - même au mort. Et il n’avait rien tenté de son côté non plus. Je ne l’avais ni aperçu à la fac, encore moins au marché - mais j’avais presque espéré l’y trouver pour qu’on ait une discussion que je redoutais pourtant tellement - et je n’avais même pas osé aller frapper à sa porte. Je ne savais pas trop comment il m’accueillerait exactement et j’avais trop peur de commettre une grossière erreur en m’invitant chez lui.
Pourquoi la vision de son superbe canapé dans son salon me vint-elle tout à coup ?
Grognant faiblement, j’envoyai une nouvelle fois la balle en dehors des limites.
Et Erzsebeth dans tout ça hein ? Ma petite Hongroise… Et bien ma petite Hongroise était toujours là, plus que jamais adorable et à croquer. Bien que je la sentais un peu préoccupée ces derniers temps, elle n’en restait pas moins ma véritable bouffée d’oxygène. Et je ne me sentais qu’un peu plus coupable d’être troublé par la simple pensée de Klaus et de sa main sur ma hanche. Ça n’aurait jamais dû arriver. Ça n’aurait jamais dû autant me perturber. Je ne pouvais pas lui faire, elle me faisait confiance. Elle était avec moi. J’étais avec elle.
J’avais bien essayé de passer à l’étape supérieure plusieurs fois, sans grand succès. J’en avais été incapable. Comme d’habitude, évidemment. Je finissais par ne plus m’en étonner désormais. Seulement, j’avais peur que, comme les quelques autres avant elle, Erzsita ne finisse par se lasser de mes manières de vierge effarouchée. Pourtant j’avais envie d’aller plus loin, de lui faire enfin l’amour pour honorer son corps de la plus merveilleuse des façons. Et je sentais que j’en avais un peu besoin aussi. Pour me rassurer. Et me dire que je n’étais pas un de ces homosexuels refoulés.
Parce que je n’en étais pas un, pas vrai ?
La nouvelle balle me passa à côté, frôlant ma joue. Dans un mouvement machinal je la suivis des yeux et me retournai alors qu’elle rebondissait un peu plus loin. Posant ma batte, j’allai éteindre la machine le temps de prendre une gorgée d’eau. C’était qu’il faisait passablement chaud aujourd’hui.
J’eus alors dans mon champ de vision une petite brune qui semblait regarder un peu partout autour d’elle comme si elle était perdue - ou qu’elle cherchait quelque chose au choix. J’attrapai ma serviette et la passai autour de mes épaules avant de m’avancer un peu dans sa direction sans trop m’approcher.
- Je peux t’aider ? demandai-je d’une voix assez forte pour qu’elle m’entende de là où elle était.