Lecture et observation

"Il es difficile d'évaluer la distance qui opposait alors l'homme écrasant, que la fortune et la naissance grandissait, à l'insecte écrasé entre deux pierres."

Cette phrase me plaisait. Le livre en lui même était assez ennuyeux, mais ce passage correspondait tout à fait au contexte actuel. Je levai les yeux comme pour en observer l'illustration: un groupe de jeune riches dont la présence ici était de trop puisqu'ils gênaient tout le monde en piaillant à propos des derniers potins. Pitoyable. Ce genre de personne me rendait malade.

Mon regard dériva de quelques centimètres vers un garçon plongé dans ses documents. Ce genre de personnes là aussi me rendait malade, ça a l'air gentil aux premiers abords, mais quand on regarde au fond d'eux, ils sont un ensembles de désirs pervers inavoués. Les pires. La fille qui le regardait d'un air rêveur aussi me dégoutait. Une fille prête à se vendre pour n importe quel type qui l'oublierait immédiatement.

Finalement je replongeais le nez dans mon livre, lissant inconsciemment la dentelle de ma robe blanche très simple.

[Bon Ok je craque XDD]

Ayant du temps libre, avec quelques potes de la section éco, nous avions décidé de squatter la grande bibliothèque du campus pour des raisons simples : Air conditionné rafraîchissant, coin ombragé pour s’asseoir, calme et tranquillité disponibles. Résultat: nous faisions plus de bruit que tous les autres étudiants réunis, mais qu’importe. Si ça leur pose un problème ils n’ont qu’à le dire.

- Oui je la connaissais cette fille. Une vraie chaudasse, vous verriez ce qu’elle nous a fait à Ibiza l’année dernière ! lança une blonde à la peau presque orange (le bronzage c’est bien mais faut le faire correctement poulette) et un peu trop maquillée en s’eclaffant avec plusieurs autres.

J’éclatai de rire aussi en entendant le récit des aventures de la « chaudasse ». Mais par le plus pur des hasards, mon regard tomba sur une fille à quelques tables de nous qui nous regardait d’un air dégouté. Elle se détourna en serrant les dents avant de continuer sa lecture comme si de rien n’était. En voilà une qui devait avoir plein de choses à dire ! Elle avait visiblement abusé du make-up charbonneux et devait s’être coiffée avec un pétard, mais sa bouille avait quelque chose de mignon. Je me levai.

- Je reviens, dis-je à l’intention de mes amis avant de m’approcher d’un rayon de bouquins qui se trouvait derrière elle.

L’une des filles murmura amusée un « encore en train de draguer » qui fit sourire tout le monde d’un air entendu, mais ils cessèrent rapidement de faire attention à moi et repartirent dans leur discussion animée. Après avoir saisit un livre au pif (Tient « Du côté de chez Swann » quelle chance…) je m’approchai d’elle dans son dos pour lire par-dessus son épaule.

"Il es difficile d'évaluer la distance qui opposait alors l'homme écrasant, que la fortune et la naissance grandissait, à l'insecte écrasé entre deux pierres."

- Ca a l’air amusant ce que tu lis, lançai-je un peu ironiquement. C’est quoi le titre ?

-Ca a l’air amusant ce que tu lis, c'est quoi le titre ?

Je levais un regard mauvais vers le type qui avait dit ça. Queessssssquilmeveut????

Sa tête me disais quelque chose.... Un gloussement attira mon attention vers le groupe d'intrus et je su qu'il venait de là ce qui attisa encore plus ma méfiance. Il n'était pas là pour lire....Queessssssquilmeveutalors????

-"Le procès de Gilles de Rais", marmonnais je tellement bas que je ne su même pas s'il avait entendu. Ce n'est PAS amusant.

Je regardais furtivement le titre du livre qu'il avait en main, « Du côté de chez Swann » , bah, il devait sûrement l'avoir choisit sans regarder le titre, et me replongeai dans le mien pour tenter de couper court à tout échange.

Je connaissais ce genre de types. Dans mon pays, ils venaient rarement et offraient une grosse somme d'argent pour avoir une fille dès qu'ils le faisaient. On ne revoyais jamais la fille en question.
Les riches étaient partout les mêmes, ils avaient l'air bien propres sur eux mais c'était les pires personnes qui puissent exister. Je ne me laisserais pas avoir par leur apparence trompeuse.

Mon cœur battait trop fort à mon gout à ces souvenirs. Un coup d'œil à côté me suffit pour voir qu'il était toujours là. Je ne me laisserais pas avoir. Je ne me laisserais pas avoir. Je ne me laisserais pas avoir. Je ne me laisserais pas avoir..... Pitié faites qu'il parte!

Son visage avait quelque chose de curieusement familier. Au bout d’un temps qui me parut interminable, elle se décida enfin à répondre. Enfin à marmonner tellement bas que je dus me pencher pour l’entendre.

-"Le procès de Gilles de Rais". Ce n'est PAS amusant.

- Oui je m’en suis bien rendu compte, j’étais ironique chérie. Ce livre à l’air aussi ennuyant que l’arrière grand-mère de ma grand-mère.

Elle a l’air aussi marrante que son bouquin, elle, en tout cas!

Je remarquai qu’elle se tortillait un peu sur sa chaise, elle n’avait pas l’air très à l’aise. Quoi je pue ? Pourtant j’ai claqué des centaines de biftons pour mon parfum …. J’arquai un sourcil.
Elle sembla opter pour faire comme si je n’existais pas puisqu’elle continua à le lire comme si je n’étais pas là. Sympa.
Pas de chance pour toi ma petite, j’ai trop de temps libre devant moi, et je compte bien te dérider.
Je m’assieds tranquillement en face d’elle avant de me pencher par-dessus la table, les avants bras posés devant moi. Je l’observai fixement pendant une bonne minute, histoire de faire augmenter son stress qui était presque palpable. Puis je la bombardai de questions.

- Tu as un léger accent quand tu parles. Tu ne viendrais pas d’Europe de l’Est ? Tu es en quelle année ? Quelle filière ? Je ne crois pas t’avoir aperçu dans aucun de mes cours…Pourtant je me serai rappelé de toi, avec cette tête de poupée dépressive…

Ou de lolita semi goth, ‘chais pas trop, je ne saurais pas vraiment définir son style. C'était mignon mais niveau sex-appeal je met 0, définitivement pas mon style de fille. Non mais où sont le décolleté pigeonnant et la mini-jupe? En tout cas je pouvais toujours en faire ma tête de turc, il faut bien se distraire.

- Oui je m’en suis bien rendu compte, j’étais ironique chérie. Ce livre à l’air aussi ennuyant que l’arrière grand-mère de ma grand-mère.

Je haussais un sourcil. Et il se croyait intelligent avec ce genre de remarques? Je le fusillais du regard lorsqu'il se pencha sur la table devant moi avec la claire intention de ne PAS me lâcher. C'était bien ma veine, j'étais venue là pour être tranquille et voilà qu'un type venait jusqu'ici tout gâcher! Bon j'avoue, je me suis laissée déstabiliser par ces souvenirs du pays, mais là, si je ne m'en débarrassais pas maintenant....

- Tu as un léger accent quand tu parles. Tu ne viendrais pas d’Europe de l’Est ? Tu es en quelle année ? Quelle filière ? Je ne crois pas t’avoir aperçu dans aucun de mes cours…Pourtant je me serai rappelé de toi, avec cette tête de poupée dépressive…

Poupée dépressive.... Carrément....Non mais il se prenait pour qui lui?!

Mon livre claqua brusquement lorsqu'il se referma, je lui lançais un regard mauvais et sifflai d'un air menaçant tout en rapprochant mon visage du sien pour éviter de me faire remarquer dans toute la salle.

-Je viens de Hongrie. Quelle filière et quelle année, ce ne sont pas tes affaires et je n'ai pas une tête de poupée dépressive. Alors maintenant lâche moi.

Je me levai brusquement et disparu dans les étagères, de un, pour reposer le livre, et de deux, pour tenter de lui échapper en priant pour qu'il ne me suive pas.

- Je viens de Hongrie. Quelle filière et quelle année, ce ne sont pas tes affaires et je n'ai pas une tête de poupée dépressive. Alors maintenant lâche moi.

Elle se leva et s’éloigna à grands pas. Brr c’est moi ou un blizzard glacial vient de me fouetter le visage ?
Pff encore une pimbêche qui se croit mieux que tout le monde. Et dire que j’ai daigné lui accorder de l’attention. Y en a qui n’ont vraiment aucun humour. En plus, je venais de remarquer que mes potes s’étaient tirés entre temps. Sales lâcheurs, ils auraient pu prévenir…
Je m’apprêtai à me lever et oublier pour de bon cette bêcheuse, quand mon regard fut attiré par un papier brillant sortant de sa trousse…
Je constatai avec satisfaction qu’il n’y avait personne autour de nous et m’emparai de la dite trousse avec la sensation d’accomplir la Justice. Enfin de me faire justice. Il y avait un genre de gâteau sec qui était emballé là dans du papier plastifié orné de motif colorés, innocemment. Elle avait du rassembler toutes ses petites économies de prolétaire pour l’acheter, et le placer ici dans l’espoir qu’il la réconforterait lorsqu’en sortant des cours, elle se dirait que sa vie était minable et qu’elle était seule et sans ami à cause de son caractère détestable. Pauvre chérie. Avec un sourire machiavélique, j’ignorai volontairement le fait que ce que je m’apprêtais à faire était puéril, ouvrit le papier plastifié et enfournait le gâteau dans ma bouche. Mouahahaha !
Mais mon sentiment de victoire fut de courte durée. Mes yeux s’écarquillèrent soudain, et je me mis à tousser violemment, sentant ma gorge me brûler d’une façon désagréablement familière et mon oxygène se raréfier, en même temps qu’une nausée s’emparait de moi.
Horreur !

Un gateau sec aux noix et aux amendes ! Maman, je vais mourir !

J’y étais violemment allergique, il me fallait rapidement une putain d’infirmière et une injection d’adrénaline. D’un coup, le fait qu’il n’y ait plus personne autour et que je venais peut-être de faire fuir la seule personne pouvant m’aider me terrorisa. Alors que je paniquais sous le déluge de sensations désagréables en me sentant faiblir, j’eus le réflexe de pousser un cri étranglé en m'effondrant sur la table.

Miracle! J'étais à nouveau seule! Je laissais échapper un soupir de soulagement et passais ma main dans mes cheveux en me reposant contre l'étagère derrière moi. Bon, si j'attendais encore quelques minutes avant de revenir, peut être ne sera t' il plus là. S'il y était encore je l'ignorerais royalement et...

Je n'eus pas le temps de penser à la suite de mon plan qu'un cri étranglé m'alerta. Je m'élançai vers l'endroit dont il semblait provenir et mes yeux s'écarquillèrent. Le gêneur de tout à l'heure! Qu'est ce qu.....

Bon, pas le temps de réfléchir au pourquoi du comment, il avait clairement besoin d'aller à l'infirmerie. Je courrais vers la porte et l'ouvrit, puis me ravissais et appelais plutôt que de m'y rendre moi même. Il fallait bien que quelqu'un reste à côté et j'étais visiblement la seule personne qu'il restait dans cette pièce. Personne ne répondit.

-Il nous faut une infirmière d'urgence!! Continuais je.

Toujours personne.

Je retournais vers le type et remarquais un emballage de gâteau que je reconnu. Je fronçais les sourcils et mon regard revint vers lui tandis que je lâchais un second soupir. Idiot.

Je me penchais vers lui.

-Tu peux marcher?

Sans trop attendre qu'il réponde je tentais de le mettre debout et me rendis compte qu'il y aurait un autre problème: il avait au moins 30 centimètres de plus que moi!
Bien qu'il réussisse péniblement à tenir debout je peinais à le soutenir et chaque pas nécessitait beacouuup d'efforts.

Mon Dieu! Le chemin risque de se transformer très vite en parcourt du combattant! Faites qu'il ne s'effondre pas! Pitié!

je me voyais très mal le trainer par les bras.

L'infirmerie était à l'étage du dessus. Combien d'escaliers déjà?

Le type allait de plus en plus mal et apparemment c'était la faute de mon gâteau, je me sentais assez coupable quand même.

Tout en nous trainant péniblement en dehors de la bibliothèque je tentais des appels au secours au cas où un élève se serait perdu dans un de ces étages où presque personne ne traine.

[Suite dans l'Infirmerie ]