Un jour de marché... un peu spécial ; PV Klaus.

Enfoui en dessous de ma couette, j’entendis vaguement le son de mon réveil et ramenai un peu plus la couverture sur ma tête en grognant. Pas envie de me lever. J’étais foutrement bien dans mon lit. J’avais passé une bonne partie de la soirée de la veille à m’avancer un maximum dans tous mes devoirs - tout en pestant contre Joshua qui me dérangeait toutes les cinq secondes parce qu’il s’ennuyait comme un rat mort et qu’il ne savait pas quoi faire de ses dix doigts - avant d’aller m’échouer dans les couvertures complètement crevé. Le réveil sonna une nouvelle fois et alors j’entendis Josh lâcher un juron de sa voix rauque.

- Angel… Ton putain de réveil, grogna-t-il dans sa barbe.

Je marmonnai une vague réponse sans bouger d’un millimètre. Il y avait certains jours où je n’étais vraiment pas du matin. Mais sans savoir pourquoi ni comment, j’eus le flash d’un centre commercial du quartier, des paquets de surgelés en vrac dans un panier rouge et ma seule réaction fut de bondir hors de mon lit en criant un « J’vais être en retard ! » retentissant qui me valut un oreiller en pleine tête de la part de mon compagnon de chambre.

Je dois rejoindre l’Allemand devant la fac !

Sans prendre garde à ne pas réveiller Josh plus qu’il ne l’était déjà, je filai à la salle de bains pour me préparer. Un raide tour sous la douche me débarbouilla comme il faut et un coup d’œil à mon réveil m’apprit que j’avais quand même encore du temps devant moi. Aussi pris-je la peine de me raser de près, bien que je n’aimais pas particulièrement ça vu que sans la barbe je faisais encore plus jeune que d’habitude et ce n’était pas forcément appréciable. Les dents brossées et les cheveux à moitié secs, je m’habillai rapidement sans remarquer que mon colocataire me regardait m’agiter dans tous les sens, les yeux ronds.

- T’as rendez-vous avec ta petite Hongroise que tu cours partout depuis que tu t’es levé ? lâcha-t-il, le ton moqueur mais l’air de rien.

Je me figeai instantanément, les joues brûlantes avant de grogner légèrement sans lui répondre. Qu’est-ce qu’il pouvait m’énerver parfois ! Depuis cette fameuse soirée - et quelle soirée ! - où il m’avait surpris en compagnie d’Erzsebeth, il n’arrêtait pas avec ses petites allusions. C’en était franchement énervant. Je ne pus m’empêcher de sourire un peu bêtement en repensant à ma petite Hongroise, comme Josh l’appelait tout en préparant mon sac avec d‘autres sacs à l‘intérieur et mon portefeuille. J’essayai de ne pas trop me poser de questions et de voir où tout ça mènerait mais la vérité était que j’étais sans doute un peu perdu dans tout ça. Finissant de boutonner mon jean et ma chemise, j’enfilai mon blouson avant d’attraper mon sac et de partir - toujours avec Joshua me fixant moqueusement. Et juste avant de refermer la porte de notre chambre, je lui lançai malicieusement :

- Non, j’ai rendez-vous avec un petit Allemand !

Pas si petit que ça si mes souvenirs sont bons.

Et sans lui laisser le temps de répondre - ses yeux ronds parlaient pour lui - je claquai la porte et me mis à courir jusqu’à l’entrée de la fac. Arrivé, je notai avec soulagement qu’il n’était pas encore arrivé. Je me posai alors contre un mur et commençai à attendre.

[Désolée pour le titre, j'ai pas trouvé mieux ! XD]

J’étais à mi-chemin entre le réveil et le sommeil, encore enveloppé dans un brouillard cotonneux, quand un vieux tube des Las Ketchup me vrilla les oreilles. Cela eut le don me faire me redresser immédiatement. J’éteins mon portable en quelques secondes et posai les pieds sur le parquet en baillant. Après un tour d’usage dans la salle de bain – toilettes, inspection, brossage, lavage, crème hydratante- j’enfilai mécaniquement un jean et un vieux T-shirt superman.
Tôt le matin, j’étais généralement en mode « pilote automatique ». J’effectuais mes tâches habituelles en dormant à moitié – souvent je me retrouvais d’ailleurs à devoir me changer après mon petit dèj parce que j’avais mis n’importe quoi.
En me servant un verre de jus d’orange, je remarquai que la télé était allumée. Y avait un genre de dessin animé, j’entendais des rires machiavéliques…

- Bon jour Kris…
- Bjour… au fait, j’ai jeté un œil à ton calendrier, dans la cuisine… on fête quelques chose aujourd’hui ?
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce qu’il y a un cercle rouge autour de la date d’aujourd’hui…

Je me figeai… On était déjà mardi ? j’avais mis cette chanson débile pour me réveiller exprès et j’avais quand même zappé ! Je n’avais jamais voulut planter le blondinet sympa, il m’avait juste proposé de m’aider ! Après un plan comme ça il allait surement croire que je me foutais de lui… Avec angoissse je levai les yeux vers l’horloge au dessus du frigo… Soulagement, j’avais encore dix minutes pour arriver au point de rendez-vous… sauf qu’il m’en fallait minimum 15 en principe.

- Merde !

Plantant mes dents dans une tartine à la confiture, j’enfilai rapidement des tennis, posai mes lunettes sur mon nez- il faudrait que je le repère de loin et ça serait sûrement plus pratique comme ça- et j’enfilai ma veste avant de claquer la porte de l’appartement sans me préoccuper du juron de Kris. J’essayai de me dépêcher tout en mangeant ma tartine et en m’assurant que j’avais bien mon portefeuille et mes clés dans les poches de la veste. J’arrivai enfin devant l’école, essoufflé. On ne s’était même pas précisé de quel côté on s’attendrait…
Après un certain temps à le chercher parmi les élèves qui se massaient au portail, je le repérai enfin, adossé au mur avec nonchalance.

- Désolé pour le retard, lançai-je une fois à son niveau.

En l’observant de près je me rendis compte d’un détail auquel je n’avais pas pensé et me frappait le front du plat de la main.

- Arg j’ai oublié de prendre des sacs en plus ! Je suis vraiment pas doué, soufflai-je d’un air de chien battu sans savoir qu’il me restait de la confiture au coin des lèvres.

Je ne savais pas trop depuis combien de temps je l’attendais. Peut-être dix minutes, ou quinze, grand maximum. Je savais qu’il était en retard et je ne pensais même pas à être remonté contre lui. J’espérais seulement qu’il n’ait pas oublié ou pire, qu’il ne lui soit rien arrivé. Allez savoir. Un accident était si vite arrivé dans cette ville de fous ! Je jetai un regard circulaire à toute cette masse d’étudiant, en espérant y trouver celui que je cherchais. Comme c’était l’entrée « principale » et qu’on était apparemment dans la même fac, j’allais forcément le croiser, non ? Pour cela, évidemment, il fallait encore qu’il ait cours à cette heure-ci - ou au moins une raison de se trouver à la fac. Je tiquai légèrement en apercevant un grand brun qui paraissait lui aussi chercher quelque chose - ou quelqu’un - du regard. Il me sembla reconnaître « mon » Allemand du supermarché, seulement celui que je fixai portait des lunettes. Mon regard croisa le sien et ce ne fut que lorsqu’il se dirigea vers moi que j’eus la certitude que c’était Klaus.

- Désolé pour le retard, s’excusa-t-il une fois arrivé à mon avis, légèrement essoufflé.

Je notai mentalement le T-shirt Superman sous sa veste et le reste de confiture au coin de sa bouche aux traits finement dessinés.

- Pas de souci, le rassurai-je en souriant. J’ai bien cru que tu avais oublié ou qu’il t’était arrivé quelque chose ! Content de voir que tout va bien.

Comme il me fixa un court instant, je crus avoir oublié quelque chose ou - comme lui - un truc sur la figure. Mes joues me chauffèrent légèrement, je me sentais mal à l’aise quand les gens me fixaient plus que nécessaire.

- Arg j’ai oublié de prendre des sacs en plus ! s’exclama-t-il vivement tout en se frappant le front du plat de la main, l’air dépité. Je suis vraiment pas doué.

Je lâchai un soupir de soulagement intérieur, ravi de voir que j’avais une allure tout à fait normale. Je ris légèrement devant son petit air de chien battu tout à fait craquant avant de le rassurer.

- T’inquiète pas, j’en ai prévu en plus. Juste au cas où…

Juste au cas où tu les oublierais, toi.

Je cherchai ensuite un mouchoir en papier dans une de mes poches - j’en trouvai un dans la poche intérieure de mon blouson - et, le plus naturellement du monde, je vins essuyer moi-même le coin de sa bouche encore tâché de confiture. Je dus d’ailleurs me retrouver très proche de lui étant donné qu’il me dépassait d’au moins une bonne tête et que je n’avais pas des bras longs de trois mètres. Une fois débarrassé de de toute salissure, je m’écartai lentement avant de me rendre compte de ce que je venais de faire. Je rougis comme une véritable pivoine instantanément et baissai les yeux.

- Heu… Tu… Tu avais de la confiture sur la bouche, me justifiai-je piteusement, le visage brûlant. Désolé…

D’accord, j’étais un gars sympa et plutôt jovial. D’accord, j’aimais rendre service et aider tout le monde - et parfois n’importe qui. D’accord, j’avais bon fond. Mais j’avais parfois tendance à être TROP gentil justement. Ce gars, je le connaissais à peine. Et voilà que je l’essuyais comme un vieux pote ! Bon Dieu. J’étais dingue. Complètement dingue.

- On… On y va ?

- Pas de souci, me rassura-t-il en souriant. J’ai bien cru que tu avais oublié ou qu’il t’était arrivé quelque chose ! Content de voir que tout va bien.

Comment est-ce que j’aurai put oublier ? A part peut-être Shin je ne connaissais personne d’aussi souriant et sympa que lui, c’était le genre de personne intègre qu’on aimait bien avoir autour de soi. Il dégageait une sorte d’aura de douceur et de sécurité… Ca changeait des vautours ou des colporteurs de ragots…

Il rit lorsque je lui fis remarquer que je n’avais pas de sacs… Visiblement il n’y avait que moi que cet oubli surprenne.

- T’inquiète pas, j’en ai prévu en plus. Juste au cas où…

Je me demande : est-il évident quand on me rencontre que je suis quelqu’un de complètement tête en l’air ? Il ne m’avait rencontré qu’une fois et il avait déjà compris…et dire que j’étais censé en imposer pour plus tard avoir soi-disant un poste important… c’était pas gagné.
Je remarquai alors qu’Angel fouillait dans les poches de son blouson. Je l’observai, perplexe. Il en retira alors un mouchoir et s’approcha sensiblement de moi. Il devait lever la tête pour pouvoir regarder mon visage.
Mais mais mais…qu’est-ce qui lui prends ? Devant tout le monde comme ça…
Je lançai quelques regards autour de nous pour vérifier que personne ne nous fixait.
Alors que je commençais à paniquer, le mouchoir entra en contact avec le coin de mes lèvres.

- Heu… Tu… Tu avais de la confiture sur la bouche, expliqua-t-il en rougissant légèrement.

Mon pauvre Klaus, ma parole, tu perds complètement la boule ! Tu t’imaginais vraiment qu’il allait essayer de se jeter sur toi en pleine rue ? En tout cas vu l’air gêné de l’angelot blond, je n’étais pas le seul à avoir remarqué que la situation pouvait prêter à confusion… Aucun de mes potes n’avait jamais essayé de me nettoyer quand j’avais un truc sur le visage, d’habitude c’était plutôt genre « Klaus bwahaha t’as l’air trop débile comme ça, tu t’affiches ! » et ça c’était ceux qui étaient assez sympa pour me le dire…Breeef…

- Désolé…
- C’est rien, mais ne soit pas trop sympa avec moi, sinon je vais finir par m’y habituer et tu te retrouveras à jouer les nounous tout le temps, commentai-je avec un sourire.
- On… On y va ?
- Je te suis

À la simple vue de son air un peu paniqué, je sentis la honte fondre sur moi comme un véritable oiseau de proie et je baissai un peu plus la tête. Non mais sérieusement, qu’est-ce qui m’avait pris ? Comme ça. Devant la moitié de la fac - ou presque. Alors que je ne le connaissais pas tant que ça. Décidément, je perdais un peu les pédales en ce moment et je semblais faire n’importe quoi. Il fallait vraiment j’arrête de me droguer au thé.

- C’est rien, me rassura-t-il doucement ; mais ne sois pas trop sympa avec moi, sinon je vais finir par m’y habituer et tu te retrouveras à jouer les nounous tout le temps.

Je pus sentir le sourire dans sa voix et je me sentis un peu mieux. Il n’avait pas l’air en colère contre moi, pas même fâché ou scandalisé par ce que je venais de faire. Tant mieux. Je n’aurais pas voulu qu’il prenne mal un de ces gestes spontanés qui ne visaient pas à mal. Mes muscles noués d’appréhension se relâchèrent un peu et je me permis aussi un sourire quand je repensai à sa remarque.

- Je ne te proposerai pas de devenir ta nounou en titre, navré, fis-je en riant. Néanmoins, je suis d’accord pour te rendre service si tu as besoin de quoique ce soit. Dans la limite de mes moyens, bien évidemment, rajoutai-je après une légère pause.

Il n’avait pas l’air de savoir se débrouiller seul, comme un grand. Il avait sûrement pris l’habitude d’avoir Papa ou Maman - ou des tonnes de domestiques - derrière lui qui arrangeaient les choses et lui obtenaient tout ce qu’il désirait à chaque fois. Résultat, ils en avaient fait un assisté qui, maintenant lâché en pleine jungle, ne savait pas quoi faire. Pas même se débrouiller dans un supermarché - à part pour s’acheter des tonnes de surgelés.

- Je te suis, acquiesça-t-il et je me mis aussitôt en marche.

J’avais fait la route jusqu’au marché de la place des milliers de fois, je la connaissais par cœur désormais. Alors, je le guidai à travers les rues et, les mains dans les poches, je cherchai à me souvenir de ce que je voulais moi, pour mes propres courses.

- Bien, dis-moi ce que tu aimes, lançai-je en marchant. En nourriture, je veux dire. Qu’est-ce que tu aimes ? Tu as des préférences, des plats que tu apprécies particulièrement ? Ou même une idée de ce que tu voudrais acheter au marché ?

Je me mis à réfléchir un moment, essayant de visualiser chacun des stands que j’avais l’habitude d’y voir.

- Il y a une Allemande qui s’est installée au marché il n’y a pas longtemps, lui appris-je doucement. Je ne sais pas trop ce que ça vaut, je n’ai pas eu l’occasion de tester ou de m’intéresser à ce qu’elle vendait. Est-ce que tu voudras y faire un tour ? Peut-être que tu y trouveras quelque chose qui te plaît… supposai-je.

Moi-même, j’étais content de trouver un peu tout et n’importe quoi qui me rappelle mon pays, ma famille. Même si c’était seulement de la nourriture.

- Je ne te proposerai pas de devenir ta nounou en titre, navré.

Ça aurait put être marrant… J’eus une vision de lui, se trimballant uniquement vêtu d’un tablier chez moi, et disposé à obéir à tous mes ordres… « Encore un petit massage Klaus ? »
Haa~ si je proposais à Ryan qu’on se fasse un genre de jeu de rôle coquin je doutais que ça lui plaise…et puis ça ne serait pas drôle, il n’accepterait jamais de jouer le rôle de la domestique attentionnée… Et puis à quoi je ressemblerais avec un tablier ?

- Néanmoins, continua la voix d’Angel, me sortant de mes pensées qui commençaient à sérieusement dévier, je suis d’accord pour te rendre service si tu as besoin de quoique ce soit.
Même si j’ai besoin d’un massage ?

- Dans la limite de mes moyens, bien évidemment, rajouta-t-il, inconscient de mon débat intérieur.
Ce qu’on ignore ne peut pas faire de mal, c’était toujours ça. Je me disais souvent que c’était une véritable bénédiction que personne ne lise dans mes pensées… sinon par exemple le blondinet serait traumatisé à l’heure qu’il est, alors qu’il n’y a rien de plus naturel que de fantasmer sur des personnes qui nous plaisent, non ? Ce n’était pas ma faute si ses parents l’avaient réussi… De toute façon il ne saurait jamais rien de mes délires puisque je comptais le faire entrer dans mes amis, et pas lui faire quelque chose qui me forcerait à prendre mes distances lorsque ça serait fini.

- Tu es vraiment un ange, on se connait à peine, tu ne devrais pas t'engager comme ça avec un cas comme moi, je n'en ai peut-être pas l'air mais je suis une véritable source à problèmes ambulante...

Je plaisantais comme ça, mais quelque part ça me touchait vraiment qu'il me propose encore son aide, sans rien demander en échange. Il n'y en avait vraiment pas beaucoup, des comme lui.

- Bien, dis-moi ce que tu aimes, lança-t-il, me faisant involontairement tiquer. En nourriture, je veux dire. Qu’est-ce que tu aimes ? Tu as des préférences, des plats que tu apprécies particulièrement ? Ou même une idée de ce que tu voudrais acheter au marché ?
Ah, ok.

- Euuh… je veux essayer de trouver des trucs assez simples et basiques vu que je ne suis pas doué en cuisine… Des côtes de porcs, des saucisses, du bœuf, des pommes de terre, du choux…

Tout en parlant je tentai de me souvenir de mes plats préférés et de ce qui les composait.

- …j’ai même pas d’oignons ni de tomates, il me faudra des champignons…et pour le reste je verrai au fur et à mesure.

Je ne savais même pas si faire cette liste avait un quelconque intérêt. Le marché c’était l’inconnu. Comment ça se présentait au juste ? Tout ce que je savais c’est que plusieurs personnes venaient chacun vendre leur marchandise et qu’il était parfois possible de négocier les prix… Mais est-ce que chaque vendeur faisait un peu de tout ? ou ils étaient spécialisés ? Est-ce qu’ils étaient répartis par rapport à ce qu’ils vendaient ? Je n’avais jamais mis les pieds dans un marché avant, que ce soit en Allemagne ou ici… Ca n’entrait pas vraiment dans mes centres d’intérêts aussi. Quand vous avez du personnel à votre service, ce genre de chose parait totalement inutile… On se dit toujours qu’il y aura quelqu’un pour le faire à sa place…Ce séjour forcé au pays du soleil levant aura au moins eut un effet bénéfique sur moi : je repartirais d’ici beaucoup plus dégourdi que ce que j’avais été et avec un certain bagage d’intelligence de la vie…

- Il y a une Allemande qui s’est installée au marché il n’y a pas longtemps, m’informa le pro de la débrouille. Je ne sais pas trop ce que ça vaut, je n’ai pas eu l’occasion de tester ou de m’intéresser à ce qu’elle vendait. Est-ce que tu voudras y faire un tour ? Peut-être que tu y trouveras quelque chose qui te plaît…

- Pourquoi pas… si on trouve des produits spécifiques ça pourrait être intéressant. Toi tu sais déjà ce que tu veux précisément j’imagine ?

- Tu es vraiment un ange, sembla-t-il apprécier ma proposition de l’aider si besoin était et je rougis légèrement sous le compliment ; on se connait à peine, tu ne devrais pas t'engager comme ça avec un cas comme moi, je n'en ai peut-être pas l'air mais je suis une véritable source à problèmes ambulante…

C’était vrai. On ne se connaissait pas et je me proposais gentiment de l’aider, comme ça, sans raison aucune. Mais c’était juste dans ma nature. Et puis je sentais bien qu’il avait besoin d’aide - ne serait-ce que pour se nourrir convenablement. Et même si j’étais pratiquement sûr qu’il était entouré d’une tonne d’amis toujours prêt à satisfaire la moindre de ses envies, il était pourtant infiniment seul et perdu.

- Mais non, ne te dénigre pas comme ça voyons, fis-je en riant légèrement. Et puis, t’inquiète pas pour moi. Je suis plus solide que j’en ai l’air ! Alors laisse-moi t’aider si je le peux. Ça me fait plaisir, lui assurai-je de façon sérieuse mais néanmoins le sourire aux lèvres.

Et tout en me faisant la réflexion que j’étais tout de même un peu fou d’aider tous les gens en détresse que je croisais comme ça, je le guidai à travers le dédale des rues de la ville jusqu’au marché. Je repassai mentalement la liste que j’avais faite des produits que je cherchais moi-même avant de lui demander ce que lui voudrait acheter aujourd’hui. Arès tout, il avait peut-être quelque chose qu’il voulait tout particulièrement sans oser le demander.

- Euuh… je veux essayer de trouver des trucs assez simples et basiques vu que je ne suis pas doué en cuisine… réfléchit-il. Des côtes de porcs, des saucisses, du bœuf, des pommes de terre, du chou…

Dans un coin de ma tête, j’enregistrai sa liste faite un peu sur le tas pour savoir où le diriger une fois arrivé au marché. Ce serait facile de trouver ce qu’il cherchait. Beaucoup de vendeurs étaient venus s’installer ici et les produits qu’ils vendaient attiraient les étudiants étrangers comme nous, en mal de nourriture européenne.

- … j’ai même pas d’oignons ni de tomates, il me faudra des champignons… et pour le reste je verrai au fur et à mesure.

Je me retins de rire franchement. Il ne faisait plus tellement attention au fait que je l’écoutais attentivement, il était plutôt un peu parti certainement dans sa cuisine.

- Très bien, acquiesçai-je. On trouvera facilement ce que tu veux ou au moins le plus basique pour que tu ne meures pas de faim d’ici quelques jours et après je te montrerai ce que moi j’ai l’habitude de prendre et tu me diras si tu veux tester aussi ou pas, proposai-je tout en marchant vers mon boucher en titre. Ça te va ?

Par contre je m’inquiétais un peu de savoir qu’il était vraiment nul en cuisine. D’accord j’étais bien gentil de l’amener au marché faire ses courses, seulement s’il n’était pas capable de se faire cuire ne serait-ce que des œufs sur le plat sans faire brûler sa cuisine même des tonnes de courses ne l’aiderait pas à passer l’hiver. Quelque part dans un coin de ma tête, je me mis à réfléchir sur ce point noir.

- Pourquoi pas… si on trouve des produits spécifiques ça pourrait être intéressant, admit-il alors que je lui parlais du stand un peu plus spécifique à son pays d’origine. Toi tu sais déjà ce que tu veux précisément j’imagine ?

- Oui, oui, souris-je. Mais te préoccupe pas de moi pour l’instant. Je veux d’abord remplir ton frigo avant le mien ! D’ailleurs, est-ce que tu vis tout seul ou en colocation avec quelqu’un ?

Il ne serait pas arrivé par là où il était arrivé tout à l’heure s’il avait pris une chambre sur le campus comme moi.

- Quoique si tu es en colocation, vous devez sûrement faire vos courses chacun de votre côté, non ? Ou partager l’ensemble peut-être, supposai-je pensivement.

- Mais non, ne te dénigre pas comme ça voyons, fit-il en riant légèrement. Et puis, t’inquiète pas pour moi. Je suis plus solide que j’en ai l’air ! Alors laisse-moi t’aider si je le peux. Ça me fait plaisir

Ce type est trop sympa, ça lui jouera des tours, heureusement que je ne suis pas du genre à trop profiter des gens…

- Très bien, acquiesça-t-il suite à mes élucubrations sur ma liste de courses improvisée. On trouvera facilement ce que tu veux ou au moins le plus basique pour que tu ne meures pas de faim d’ici quelques jours et après je te montrerai ce que moi j’ai l’habitude de prendre et tu me diras si tu veux tester aussi ou pas, proposa-t-il

- J’aime faire de nouvelles expériences, j’ai d ‘autant plus confiance si c’est toi qui me propose alors ça me va.

J’acquiesçai à son idée de voir la marchande allemande.

- Toi tu sais déjà ce que tu veux précisément j’imagine ?

- Oui, oui. Mais te préoccupe pas de moi pour l’instant. Je veux d’abord remplir ton frigo avant le mien ! D’ailleurs, est-ce que tu vis tout seul ou en colocation avec quelqu’un ? Quoique si tu es en colocation, vous devez sûrement faire vos courses chacun de votre côté, non ? Ou partager l’ensemble peut-être

- En fait je vivais seul mais mon cousin s’est installé chez moi hier pour l’université, ça s’est passé un peu à l’improviste. C’est provisoire et je ne sais pas combien de temps il va rester…

Maintenant que j’y pensais je n’avais toujours pas eut le temps de lui parler de ce genre de trucs utiles, il faudrait vraiment que je le bloque un de ces soirs pour lui faire mon topo…

- Mais je pense que je vais me charger de tout acheter pour cette fois, ça va pas me tuer d’être sympa avec lui.

Bizarrement c'est seulement à ce moment là que je réalisait qu'on se trouvait en face de l'étalage du boucher. Nous étions enfin entrés dans le marché comme l'attestait le niveau de pollution sonore, les nombreux stands colorés croulant sous les marchandises de partout, les mères de familles agaçées, les bébés braillards et les quelques étudiants comme nous qui tentaient de faire de bonnes affaires. C’était la première fois que je faisais une activité prolétarienne de ce type. Est-il utile de préciser que je n’étais vraiment pas rassuré ? Le pire c’était qu’en plus de tout le monde transpirant et criant qui se pressait là, l’eau de pluie de la veille semblait ne pas s’être correctement écoulée et le peuple foulait et propageait une légère boue à chaque pas…
Mes chaussures avaient été des tennis blanches… une petite minute de silence…

- J’aime faire de nouvelles expériences, j’ai d’autant plus confiance si c’est toi qui me proposes alors ça me va, me confia-t-il très simplement.

Un joli sourire incurva mes lèvres cependant que mes joues rosissaient légèrement sous son compliment détourné. J’étais content qu’il arrive à me faire confiance si facilement. Après tout, on ne se connaissait que très peu et pourtant il arrivait à être confiant en ma présence. C’était agréable comme pensée pour moi.

Et pour parfaire un peu les informations que j’emmagasinais sur lui - après la liste de courses improvisée - je cherchais à savoir s’il vivait seul ou accompagné. Si au moins il n’était pas tout seul, il pourrait peut-être être aidé niveau cuisine. C’était toujours bon à savoir.

- En fait je vivais seul mais mon cousin s’est installé chez moi hier pour l’université, ça s’est passé un peu à l’improviste, répondit-il. C’est provisoire et je ne sais pas combien de temps il va rester…

J’hochai la tête lentement. Bien, au moins il ne vivait pas seul et il avait de la compagnie. De la compagnie qui aimait faire la cuisine, peut-être ? Je notai dans un coin de ma tête qu’il faudrait lui poser la question.

- Mais je pense que je vais me charger de tout acheter pour cette fois, ça va pas me tuer d’être sympa avec lui, rajouta-t-il.

- D’accord, alors on verra pour prendre le tout en double, acquiesçai-je en souriant. Et t’inquiète pas, je suis le pro en ce qui concerne les bonnes affaires, même pour la bouffe !

Je ris franchement. En même temps quand on était obligé de se serrer la ceinture très souvent et qu’on devait multiplier les petits boulots pour au moins remplir décemment son frigo, on avait plutôt intérêt à savoir marchander sévère. Certains étaient de véritables escrocs et ils profitaient de notre statut d’étrangers et nouveaux au pays pour nous soutirer le maximum d’argent - sans qu’on ne le remarque en plus.

- Et, dis-moi, il sait cuisiner ton cousin ? Peut-être qu’il pourrait t’apprendre le minimum pour survivre avant de repartir ?

Arrivé devant l’étalage de mon boucher habituel, je m’arrêtai un bon moment pour passer commande en lui demandant de séparer la mienne de celle de Klaus pour qu’il n’y ait pas de confusion à l’arrivée. Je n’oubliai pas non plus la pièce de bœuf préférée de Josh - petit cadeau de remerciement pour service rendu - et demandai enfin un peu de tout - tant que ça restait simple à cuisiner et dans les goûts de l’Allemand qui m’accompagnait - tout en vérifiant que le boucher n’oubliait rien en route. Une fois ma viande payée et mon sac en mains, je me tournai vers Klaus qui m’attendait un peu en arrière.

- Voilà ! Il ne te reste plus qu’à payer ! Et comme le boucher me connait bien, il t’a fait un prix à toi aussi, fis-je en riant légèrement.

Je ne remarquai qu’à ce moment son air apeuré, comme un lapin pris par les phares d’une voiture en pleine nuit. Je m’étonnai d’ailleurs qu’il n’ait encore pris ses jambes à son cou tellement il avait l’air complètement paniqué. Je me rapprochai un peu, assez doucement pour ne pas l’effrayer plus qu’il ne l’était.

- Hey, ça va ? demandai-je doucement devant sa moue défaite et son teint un peu pâle.

[Désolée pour l'énorme retard !! XD Pas d'inspi ! T.T]

- D’accord, alors on verra pour prendre le tout en double. Et t’inquiète pas, je suis le pro en ce qui concerne les bonnes affaires, même pour la bouffe ! Et, dis-moi, il sait cuisiner ton cousin ? Peut-être qu’il pourrait t’apprendre le minimum pour survivre avant de repartir ?

- Honnêtement je n’en ai aucune idée mais ça m’étonnerai qu’il se débrouille mieux que moi… lançai-je en m’écartant sensiblement pour ne pas me faire écraser par les roues du chariot à course d’une mémé en fichu. Si tu veux on a été des inconnus l’un pour l’autre depuis des années, c’est maintenant qu’on va…apprendre à se connaître. Enfin pour l’instant ça ne se passe pas très bien…Je n’ai pas l’impression qu’on ait quoi que ce soit en commun, ajoutai-je en haussant les épaules.

J’observai silencieusement (j’étais bien le seul à être silencieux dans ce lieu de perdition) Angel négocier avec la vendeuse pour obtenir d’une part ce qu’il voulait mais aussi pour moi. Honnêtement je ne savais pas si je serai capable de refaire ça seul. En tout cas au niveau du prix ça en valait la peine, c’était presque la moitié de ce que j’aurai payé en magasin. Tandis qu’Angel réglait sa commande, je remarquai une poule qui courrait comme si sa vie en dépendait, slalomant entre les jambes de la foule…un homme rouge de rage ne tarda pas à arriver à sa suite et parvint à l’empoigner tandis que la poule hurlait et essayait inutilement de battre des ailes. Il la ramena avec lui, un couteau dépassait de la poche de son tablier. Erk en voilà une qui n’allait pas faire long feu. Je vis alors un vendeur essuyer la sueur de son front avec sa main puis la plonger dans un bac à légumes… Je me remettais à peine du choc que je remarquai des mouches qui voltigeaient un peu partout, et certaines se baladaient près des pièces de viande du vendeur devant lequel nous nous trouvions… Elles voletèrent lentement autour d’un gigot, et l’instant d’après elles se posèrent dessus… Le blondinet se retourna alors vers moi. (Comment faisait-il pour être aussi rayonnant et souriant dans un lieu comme celui-là ? )

- Voilà ! Il ne te reste plus qu’à payer ! Et comme le boucher me connait bien, il t’a fait un prix à toi aussi. Je devais faire une drôle de tête parce qu’il me demanda « Hey, ça va ? » et s’approcha de moi avec un air un peu soucieux.

- Euh oui oui, bredouillai-je en fouillant mes poches pour récupérer maladroitement mon portefeuille. Je donnai quelques billets à la vendeuse, pris mon sachet et tirai le blond par le bras pour le ramener un peu à l’écart du marché.

Je pris quelques secondes pour inspirer l’air pur, qui n’était plus saturé d’odeur de transpiration, de légumes et de sang d’animal…

- Finalement je ne sais pas si c’était une bonne idée de venir ici…ces gens sont horribles, murmurai-je d’une voix de traumatisé. Est-ce qu’ils se sont lavés avant de venir ? Et puis tu as vu toutes ces mouches ? En plus mes chaussures sont fichues...

- Honnêtement je n’en ai aucune idée mais ça m’étonnerai qu’il se débrouille mieux que moi… lâcha-t-il avec un petit air dépité. Si tu veux on a été des inconnus l’un pour l’autre depuis des années, c’est maintenant qu’on va… apprendre à se connaître. Enfin pour l’instant ça ne se passe pas très bien… Je n’ai pas l’impression qu’on ait quoi que ce soit en commun.

- Si vous avez passé des années sans vous côtoyer, c’est normal que les débuts soient difficiles, remarquai-je doucement. Laisse-toi du temps pour d’abord t’habituer à sa présence chez toi et aussi dans ta vie, après tu apprendras à le connaître. Ça ne devrait pas être compliqué de vous trouver au moins quelques points communs. Après tout, vous faîtes tout de même partie de la même famille. Pourquoi ne pas essayer de parler de quelques souvenirs que vous auriez vécus ensemble, même si c’était il y a longtemps ? proposai-je dans un sourire rassurant.

Ça pouvait aider à briser la glace. Mais j’oubliais un peu trop facilement que toutes les familles n’étaient pas comme la mienne : chaleureuse et aimante. Loghan m’avait souvent parlé de la sienne. Et c’était loin d’être rose tous les jours. S’enfuir ici avait été en quelque sorte une bouée de sauvetage pour lui et il avait pu se construire et devenir quelqu’un malgré sa famille étouffante - et recomposée qui ne semblait pas l’apprécier plus que ça quelquefois.

- Et puis, il vient d’arriver alors il doit avoir besoin de prendre ses marques. Pourquoi ne pas lui faire visiter les endroits que tu connais ici ? émis-je ensuite.

Je fus surpris, mais pas moins inquiet, de voir Klaus complètement tétanisé derrière moi alors que je venais de terminer la commande de viande. Je savais que l’endroit n’était sans doute pas le plus huppé de tout le coin et que certaines personnes avaient de quoi effrayer même les plus téméraires mais on s’y faisait au bout d’un - long - moment.

- Euh oui oui, me répondit-il fébrilement alors que je demandais de ses nouvelles - pouvait-on être aussi pâle sans s’évanouir dans la seconde ?

Je le laissai payer et n’eus pas le temps d’essayer de voir ce qui se tramait dans sa tête de petit Allemand que je me sentis tiré par le bras sur le côté. Je ne protestai pas, me laissant docilement faire parce que je sentais bien qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas du tout.

- Finalement je ne sais pas si c’était une bonne idée de venir ici… chuchota-t-il la voix tremblotante et les yeux hallucinés come s’il était complètement mort de trouille. Ces gens sont horribles. Est-ce qu’ils se sont lavés avant de venir ? Et puis tu as vu toutes ces mouches ? En plus mes chaussures sont fichues… se plaignit-il tel un petit enfant.

Je restai un instant à le fixer. Il avait vraiment l’air d’avoir peur. Non, en fait il était tout bonnement effrayé. Passant une main sur ma nuque, je réfléchis à toute vitesse à une solution qui nous arrangerait l’un comme l’autre - ce qui n’était pas aisé. Je ne pouvais pas lui infliger pareille torture alors qu’il ne le supportait pas et en même temps, je ne pouvais pas non plus l’abandonner avec un réfrigérateur vide. Bon, il ne me restait plus qu’une solution.

- D’accord alors je te propose quelque chose : tu rentres, tu t’occupes de tes chaussures et moi je peux finir tes courses tout seul. Je te les apporte chez toi ensuite si tu veux, un de mes cours de ce matin a sauté alors j’ai plus de temps que prévu. Est-ce que ça te va ? demandai-je.

Pas que ça me dérangeait de l’aider comme ça, mais je me demandais comment il allait faire tout seul. Ici, il n’aurait pas de boy prêt à lui rendre service chaque fois qu’il en aurait besoin. Il allait devoir apprendre à se débrouiller seul, quoiqu’il en pense.

- Et t’inquiète pas pour tes chaussures. Tu arriveras à les ramener, je te montrerai comment faire - c’est vieux truc de grand-mère plutôt efficace.

- Si vous avez passé des années sans vous côtoyer, c’est normal que les débuts soient difficiles, Laisse-toi du temps pour d’abord t’habituer à sa présence chez toi et aussi dans ta vie, après tu apprendras à le connaître. Ça ne devrait pas être compliqué de vous trouver au moins quelques points communs. Après tout, vous faîtes tout de même partie de la même famille. Pourquoi ne pas essayer de parler de quelques souvenirs que vous auriez vécus ensemble, même si c’était il y a longtemps ?

Des souvenirs ensemble ? Tout ce qui me venait à l’esprit c’était « torture torture torture »… En ce temps là j’étais loin d’être aussi grand et j’étais son souffre douleur quand on se croisait… Et à part le fait d’être bruns et d’avoir le même nom de famille j’étais quasiment sûr qu’on n’avait aucun point commun.

- Et puis, il vient d’arriver alors il doit avoir besoin de prendre ses marques. Pourquoi ne pas lui faire visiter les endroits que tu connais ici ?

C’est fou, quand ce type me parlait j’avais parfois l’impression d’être un petit garçon pris en faute et j’avais l’impression qu’il avait raison et qu’il fallait que j’écoute ses conseils. J’acquiesçai mollement en sachant pertinemment que je n’obéirais certainement pas. Kris avait qu’à se trouver des potes pour faire du tourisme.



Lorsqu’il se rendit compte que je n’étais vraiment pas à l’aise dans le marché, Angel me dit :

- D’accord alors je te propose quelque chose : tu rentres, tu t’occupes de tes chaussures et moi je peux finir tes courses tout seul. Je te les apporte chez toi ensuite si tu veux, un de mes cours de ce matin a sauté alors j’ai plus de temps que prévu. Est-ce que ça te va ?

D’un côté ça me gênait de le laisser faire le reste des courses seul, j’avais l’impression de perdre un défi. Mais d’un autre côté l’idée de le laisser prendre soin de mes problèmes comme on l'avais quasiment toujours fait pour moi était terriblement tentante.

- Et t’inquiète pas pour tes chaussures. Tu arriveras à les ramener, je te montrerai comment faire - c’est vieux truc de grand-mère plutôt efficace.

- Je peux pas accepter, répliquais-je directement en secouant légèrement la tête. Tu m’as proposé de m’aider alors je peux quand même pas partir comme et te laisser faire le sale boulot.

Je soupirai en me disant que j’étais faible. Je ne pouvais pas décemment faire un coup bat comme ça à quelqu’un qui avait été aussi sympa avec moi, alors qu’il n’y avait pas été obligé et qu’il l’avait carrément fait sans hésitation.

- Je vais faire de mon mieux pour faire abstraction de…tout ce que ce lieu peu avoir de déplaisant, on va terminer les courses rapidement et on ira chez moi ensembles boire quelque chose de frais après. Laisse tomber les godasses, j’en achèterai une autre paire.

- Je peux pas accepter, rétorqua-t-il du tac au tac dans un léger mouvement de la tête. Tu m’as proposé de m’aider alors je peux quand même pas partir comme ça et te laisser faire le sale boulot.

D’un côté, je ne pouvais pas lui donner tord : je n’étais pas non plus sa bonne à tout faire et même si j’avais accepté de l’aider à faire ses courses je n’allais tout de même pas accepter qu’il s’en aille comme ça. Bon, en fait, si. J’étais trop gentil. Mais je savais que s’il m’avait dit qu’il préférait rentrer chez lui, j’aurais tout simplement accepté. De l’autre, si c’était pour qu’on s’arrête toutes les cinq secondes parce qu’il me faisait une crise de panique, on n’avancerait pas. Il fallait juste que je le rassure, rien ne lui arriverait. Bien que l’endroit paraisse assez horrible, rien ne m’était arrivé depuis que j’y étais allé la première fois. Ce serait aussi le cas pour lui.

- Je vais faire de mon mieux pour faire abstraction de… tout ce que ce lieu peu avoir de déplaisant, on va terminer les courses rapidement et on ira chez moi ensemble boire quelque chose de frais après, décida-t-il après un léger soupir dans une moue dépitée. Laisse tomber les godasses, j’en achèterai une autre paire.

Un peu étonné qu’il arrive à se reprendre de la sorte, je ne fis qu’hocher la tête en souriant doucement. J’étais content qu’il puisse faire cet effort pour moi alors que ça avait carrément l’air de le terroriser quelques minutes auparavant.

- D’accord, acquiesçai-je. Bon, ça ne devrait plus être long maintenant. Je voudrais juste passer acheter des légumes et des fruits et je ferai aussi un rapide détour par ma pâtisserie préférée, je veux absolument te faire goûter les Manjûs en forme de lapin !

J’avais découvert ça un peu par hasard et je ne pouvais plus m’en passer désormais. Certes, quand on apprenait à base de quoi c’était fait, ça pouvait paraître un peu spécial mais c’était franchement délicieux.

- Promis, on va se dépêcher et ensuite tu pourras rentrer chez toi, lui assurai-je, me voulant rassurant. Et il ne t’arrivera rien, j’y veillerai. Allez, viens petit Allemand, fis-je en riant.

Je le pris par le bras et, tout en veillant à ne pas trop faire approcher Klaus de toutes les autres personnes présentes au marché, je le menai rapidement chez mon vendeur de légumes et fruits en titre - oui, j’avais mes habitudes. Je passai rapidement commande tant pour moi que pour mon compagnon en essayant de lui prendre un peu de tout et qui pourrait s’accommoder facilement. Je payai, le laissai payer également avant de me diriger vers la pâtisserie du coin.

- Tu m’attends là ? J’en ai pour une seconde, fis-je une fois devant la boutique. Ça va aller ?

[Le Manjû est un gâteau traditionnel de forme ovoïde fourré à la pâte de haricot rouge sucré « azuki », enrobé d’une génoise cuite à la vapeur. Certains ont la forme de daurade ou d'un lapin, on les nomme alors « usagi-man » - comme dans Junjou ! XD Bon je sais pas du tout si c’est bon, j’ai pris ça au hasard dans une liste et comme ça me rappelait Junjou avec son « usagi » XDD
Et puis, c’est quoi invitation louche à prendre un verre ? >.> XD]

- D’accord. Bon, ça ne devrait plus être long maintenant.

Vu sa gentillesse proche de la pathologie, j’étais quasiment certain qu’il aurait accepté sans rechigner si j’avais dit oui. Mais je préférais ne pas donner ce genre d’image. Je n’en ai peut-être pas l’air comme ça, mais j’ai quelques principes moraux enfouis dans ma personnalité débridée, qui ressurgissent particulièrement quand j’apprécie quelqu’un ou en tout cas que je veux me faire apprécier de quelqu’un.

- Je voudrais juste passer acheter des légumes et des fruits et je ferai aussi un rapide détour par ma pâtisserie préférée, je veux absolument te faire goûter les Manjûs en forme de lapin !

- En forme de lapin ? je suis curieux de voir ça…

Ça ne fait pas un peu fille ça ? Je jetai un regard à Angel, qui, avec le rayon de soleil qui se reflétait sur ses boucles blondes, donnait l’impression de littéralement rayonner de bonheur rien qu’en pensant à ses bien-aimées Manjû. Je ne serai pas surpris si un arc en ciel apparaissait au dessus de sa tête et que des petits elfes se mettaient à danser en rond autour de lui en entonnant des chansons made in Disney… réflexion faite ça lui allait bien de bouffer des trucs en forme de lapin !

- Promis, on va se dépêcher et ensuite tu pourras rentrer chez toi. Et il ne t’arrivera rien, j’y veillerai. Allez, viens petit Allemand

- Ok, répondis-je avec un sourire amusé.

Il me tracta dans le marché en allant assez vite pour qu’on se tire de là dès que possible. Je tentai de retenir mon souffle quelques secondes quand les odeurs devenaient trop insupportables. Je payai ce que m’indiquais le blondinet sans trop faire attention et acceptait de le suivre pour prendre ses fameuses pâtisseries en forme de lapin. Pour pallier mon inutilité dans les négociations et le choix des produits, je fis en sorte de porter les courses. Je notai mentalement qu’il faudrait que je lave tous mes légumes avant de les manger…juste pour m’assurer qu’il n’y aurai aucune trace résiduelle de sueur dedans…

- Tu m’attends là ? J’en ai pour une seconde.

Attendre ? je regardai à gauche puis à droite… Tout seul au milieu de ces rustres ?

- Ça va aller ?
- Oui bien sûr que ça ira, répondis-je en feignant l'indifférence en tentant d'avoir l'air sur de moi. Mais n'oublie pas de faire vite...

- En forme de lapin ? Je suis curieux de voir ça… fit-il remarquer ce qui me fit rire.

- Les autres sont en forme de poisson et je trouve ça plus joli un lapin ! rétorquai-je, amusé.

Non, non, je n’avais pas honte de parler de lapin avec Klaus. Bien sûr que non, je ne passais pas pour un gamin de quatre ans et demi d’âge mental. Et non, je n’y accordais aucune importance. Je m’en fichais ! Je voulais juste qu’il goûte à ces gâteaux fabuleux.

En le tirant par le bras, je continuai rapidement nos courses communes en lui jetant quelques petits coups d’œil à la dérobée pour vérifier qu’il n’était pas trop mal. J’étais plutôt inquiet à vrai dire. Mais il avait l’air de se remettre doucement. Une fois les légumes et les fruits achetés, je l’emmenai à la pâtisserie.
Klaus s’occupait de porter plus de sacs que moi, ce qui me gênait un peu. Mais il avait l’air d’y tenir - comme s’il voulait se rendre utile - alors je le laissais faire et lui donnais quelques sacs comment il semblait le vouloir.

- Oui bien sûr que ça ira, répondit-il avec un petit air supérieur qui me disait qu’il cherchait à se montrer sûr de lui. Mais n'oublie pas de faire vite…

Je souris doucement.

- Je fais vite, ne t’inquiète pas, le rassurai-je. Regarde, il n’y a presque personne. Juste deux vieilles qui, en plus, semblent être ensemble pour leur commande, fis-je en lui montrant l’intérieur de la boutique d’un geste du menton.

Après un dernier sourire que je voulus rassurant, je rentrai dans la pâtisserie et attendis patiemment mon tour de commander. Je pris trois gâteaux que la dame emballa dans une petite boite blanche avec un ruban jaune. Je ressortis rapidement content de mon dernier achat que je montrai fièrement à Klaus qui m’attendait toujours.

- Et voilà ! J’en ai pris un aussi pour ton cousin pour qu’il goûte ! Allez, on peut rentrer maintenant, le calvaire est fini.

Enfin, il fallait quand même traverser à nouveau le marché pour retourner au campus.

- Je fais vite, ne t’inquiète pas. Regarde, il n’y a presque personne. Juste deux vieilles qui, en plus, semblent être ensemble pour leur commande, dit-il en montrant l’intérieur de la boutique d’un geste du menton.

Je hochai la tête, rassuré de voir que le temps d’attente serait court. Il entra dans le magasin et je restais dehors avec les affaires.

- Et voilà ! J’en ai pris un aussi pour ton cousin pour qu’il goûte !
- Tu rigoles ? c’est trop bon pour lui ! Tu n’aurais pas dut lui faire de cadeau avant de l’avoir rencontré. Je suis sûr que ce petit ingrat n’appréciera même pas ton geste à sa juste valeur.

Kris me paraissait être quelqu’un de difficile, et il n’était pas le genre à cacher son opinion quand il en avait une. Je ne savais même pas s’il connaissait le sens du mot « tact ».

- Allez, on peut rentrer maintenant, le calvaire est fini.

- Super, m’écriai-je presque en accélérant le pas pour sortir du marché. En fait tu avais raison, c’est vraiment pas loin de chez moi. Et ça pourra être pratique…je finirai bien par m’habituer…

Le décor du marché s’estompa progressivement pour être remplacé par celui du quartier résidentiel. Le brouhaha continuel et la pestilence étaient enfin éloignés. En plus j'avais réussi à obtenir tout ce dont j'avais besoin à moindre frais (ça en fait plus pour le shopping). J'étais plutôt content d'avoir découvert une nouvelle chose. Le monde des prolétaires est si vaste...

- Ça te dit de venir chez moi alors ? histoire de faire une petite pause avant de rentrer chez toi. On doit être pas loin de midi en plus, on pourrait manger ensemble?

- Tu rigoles ? C’est trop bon pour lui ! s’exclama-t-il de façon plutôt violente ce qui me laissa un peu pantois. Tu n’aurais pas du lui faire de cadeau avant de l’avoir rencontré. Je suis sûr que ce petit ingrat n’appréciera même pas ton geste à sa juste valeur.

Je restai deux secondes sans pouvoir parler, soufflé de le voir si incisif à propos de son cousin. Il était vraiment si horrible que ça ? Mais il ne le connaissait même pas ! C’était lui-même qui me l’avait dit.

- Eh bien… Je te permets de manger le sien si jamais il n’est pas content ! proposai-je en riant légèrement.

Qu’il aime ou qu’il n’aime pas ce gâteau, ça m’était égal. J’avais fait ce geste avec plaisir, s’il n’était pas capable d’avoir un minimum d’éducation pour remarquer la gentillesse de ce geste alors… Je n’y étais pour rien.

- Super, s’écria-t-il l’air on ne peut plus ravi alors que je lui annonçais qu’on pouvait rentrer. En fait tu avais raison, c’est vraiment pas loin de chez moi. Et ça pourra être pratique… Je finirai bien par m’habituer…

Je souris, content qu’il prenne une telle décision et qu’il se rende compte que ça n’avait rien de compliqué de se débrouiller par ses propres moyens. Il accéléra le pas et je dus le suivre, non sans mal, à travers le marché pour revenir à ce qu’il devait appeler « la civilisation » - le marché étant « la jungle ».

- Tu sais, je peux aussi t’aider au début… Je comprendrais que tu ne sois pas rassuré d’y aller seul.

J’étais mentalement en train de me demander ce que j’allais faire à manger à midi et si j’avais le temps pour me poser avant de repartir pour les cours quand Klaus me coupa dans mes pensées.

- Ça te dit de venir chez moi alors ? Histoire de faire une petite pause avant de rentrer chez toi, me proposa-t-il gentiment. On doit être pas loin de midi en plus, on pourrait manger ensemble ?

Je fus très agréablement étonné par son invitation. Faisait-il ça par simple devoir ou était-ce vraiment un plaisir pour lui de m’accueillir dans son appartement ? J’hésitai un court instant, n’aimant pas m’imposer.

- Hé bien… Je voudrais pas déranger, tu sais… Et puis te sens pas obligé de m’inviter parce que je t’ai aidé ce matin… bafouillai-je un peu, les joues chauffant désagréablement. Tu es certain que ça ne t’embête pas ? Ni toi ni ton cousin ?

Sans que je comprenne trop pourquoi il se mit à rougir et bafouiller

- Hé bien… Je voudrais pas déranger, tu sais… Et puis te sens pas obligé de m’inviter parce que je t’ai aidé ce matin…. Tu es certain que ça ne t’embête pas ? Ni toi ni ton cousin ?

C’était assez marrant de voir comment à certains moment il pouvait être attentionné et protecteur avec les autres, et dans d’autres moments paraître absolument timide et démuni.

- On s’en fiche de mon cousin, c’est encore chez moi quand même, lançai-je avec un sourire. Et bien sûr que non ça ne me dérange pas, sinon je te proposerais pas de venir.

J’essayai d’imaginer à quoi ressemblerai sa petite copine s’il en avait une et je devais avouer avoir du mal. Peut-être une fille très dynamique qui saurait le diriger un peu ou alors à l’inverse une toute douce dont il pourrait prendre soin…Ou peut-être qu’il aimait les hommes… Impossible à dire ! Ryan n’avait rien de féminin par exemple et ça ne l’empêchait pas d’être gay jusqu’au bout de la bite- suivant sa propre expression fleurie. Moi-même je n’étais pas particulièrement reconnaissable, ce n’était pas écrit sur mon front que j’aimais aussi les relations homo…bon ok peut-être que la passion pour la mode ça peut prêter à confusion, mais des tas d’hétéros aiment ça maintenant…

- En fait ça me fait plaisir de t’inviter, c’est la moindre des choses que je puisse faire pour te remercier. Et en plus c’est nul de manger seul, tu ne peux pas refuser.

Je pris donc une bifurcation qui allait nous mener droit jusqu’à mon immeuble.

Bien que son invitation était très sympathique, je n’en étais pas moins gêné, si bien que je ne savais plus vraiment où me mettre. J’avais tellement rencontré de gens incapable de faire preuve d’une once d’altruisme. J’étais heureux de voir que Klaus ne faisait pas partie de ces gens-là.

- On s’en fiche de mon cousin, c’est encore chez moi quand même, répliqua-t-il dans un sourire.

Ah oui, c’est vrai. On s’en fichait de son cousin et c’était chez lui. D’accord.

- Et bien sûr que non ça ne me dérange pas, sinon je te proposerais pas de venir.

Quelque peu rassuré, je me permis de me détendre les muscles de mon dos et de sourire doucement. Si sa proposition venait du cœur alors…

- En fait ça me fait plaisir de t’inviter, c’est la moindre des choses que je puisse faire pour te remercier. Et en plus c’est nul de manger seul, tu ne peux pas refuser.

Je ris légèrement. Dans un coin de ma tête, je m’interdis de lui faire remarquer que son cousin devait être là pour lui tenir compagnie s’il le voulait - je supposais sans trop me tromper que son cousin n’était tout de même pas un chien.

- D’accord, d’accord, cédai-je en riant. J’accepte avec joie. Mais à une condition ! Je fais la cuisine et comme ça j’en profite pour te montrer quelques trucs, lançai-je après une petite pause. Et ceci n’est pas négociable.

J’eus un petit sourire amusé avant de le suivre docilement jusqu’à son appartement.

- D’accord, d’accord, céda-t-il en riant. J’accepte avec joie. Mais à une condition ! Je fais la cuisine et comme ça j’en profite pour te montrer quelques trucs. Et ceci n’est pas négociable

- Okay, pas de problème

Je n’avais pas prévu d’empoisonner quelqu’un aujourd’hui avec mes expériences donc…

- De toute façon je suis pas doué, je pourrai tout juste t’aider

Après un petit temps de marche à parler de tout et de rien, nous arrivâmes à mon immeuble.


[Suite dans les Résidences Privées]